Nicolai
Nicolaievitch, maître d’école
" J’ai connu Jacques il y a quelques mois – un
être insociable, avec une certaine méchanceté dans les yeux. Sa petite tête,
pareille à un petit melon, apparaissait rarement de derrière le dernier
pupitre. Il riait peu, lorsque les autres le faisaient. Mais lorsque malgré
tout un sourire effleurait sa bouche anémique, presque blanche, elle se
déformait elle-même en quelque chose de crispé, de laid. Jacques se mettait à
rire. Plus fort que tous… Ses camarades de classe interrompaient leur gaieté,
car son rire ressemblait plus à des sanglots : il pleurait, sanglotait
tant que cela lui parut drôle. Cela sortait, le voulait, mais n’y arrivait pas.
Les enfants se retournaient, faisaient des grimaces derrière le dos de Jacques.
Je pense qu’ils avaient peur de lui. Ils le craignaient non comme quelqu‘un de
fort parmi eux, mais comme une maladie contagieuse qui, en cas de contact
direct, pourrait se transmettre, sauter sur eux comme un crapaud, une puce
invisible.
Ce n’est pas qu’ils l’évitaient : chacun
considérait comme un honneur de le toucher, néanmoins pas réellement
(étrangement, ils ne battaient presque jamais Jacques!), mais avec une parole –
mordante, si cruelle, dont seuls les enfants sont capables. Ou, ce qui est pire
encore – avec l’absence même de toute attention." ...
|